La Mer quasi absente du gouvernement, une erreur stratégique

Petit à petit, la mer recule. Non, il ne s’agit pas ici du niveau des océans, qui lui suit plutôt une courbe inverse, mais de la place de la mer, et des activités qui en découlent, dans la politique nationale. Car lors de l’annonce de la liste des portefeuilles du nouveau gouvernement, ce que nombre de professionnels de la mer ont relevé, c’est précisément que celle-ci en était absente, ce qui les inquiète forcément.

Alors certes, il paraît surprenant de crier au scandale alors que l’annonce de la dizaine de secrétaires d’Etat, complétant l’équipe gouvernemental a vu Frédéric Cuvilier continué à être en charge des Transports et de la Mer. Pourtant, à y regarder de plus près, l’ancien ministre devenu simple secrétaire d’Etat s’est bien plus chargé du premier que de la seconde durant ses deux premières années d’action, reléguant la mer largement au second plan. Une situation bien habituelle pour l’économie maritime, puisqu’il n’existe plus de ministre dédié à la Mer depuis Jacques Mellick, lequel a quitté son poste en 1991.

Depuis, la mer a eu, au mieux, droit à son secrétariat d’Etat dédié, au pire été rattachée à des ministères fourre-tout, le plus souvent avec le transport, parfois avec l’écologie. Une fois, elle a été intégrée à un ministère regroupant, en plus des transports, l’équipement et le tourisme. Une approche pas inintéressante dans la mesure où elle permettait de couvrir quasiment l’ensemble des activités liées à la mer.

Autant dire que cette fois, la mer n’est quasiment pas représentée. Dans sa volonté de créer un gouvernement resserré, de « combat » selon l’expression consacrée par toutes les majorités au lendemain d’une cuisante défaite électorale, seuls 14 secrétaires d’Etat ont rejoint les ministres nommés le 2 avril. Avec trois venant aider le ministre des Affaires Etrangères dans sa tâche, il ne restait plus beaucoup de place pour d’autres thématiques, dans cette équipe plutôt resserrée. Et la mer en fait les frais, ressemblant un peu à la dernière roue du carrosse.

Bien entendu, en considérant la variété des activités économiques se développant autour des océans, on pourrait considérer, non sans raison, qu’il n’y a pas nécessairement de nécessité à avoir un ministère dédié, dans la mesure où, les Transports, l’Ecologie/Energie ou encore le Tourisme s’occuperont, de fait, également de la mer. Il y aura cependant des oubliés, les pêcheurs et autres éleveurs de coquillages par exemple, qui ne peuvent être décemment rattachés à aucun ministère existant.

Mais surtout, il y a une réalité concernant la mer et son exploitation liée au fait que, plus encore que sur terre, il y a une obligation de coordonner les politiques car bien souvent toutes se concentrent dans les mêmes zones. Pire, il y a un oubli essentiel face au potentiel immense que représentent les océans: grâce à la Polynésie, la France dispose de la seconde plus grande zone économique exclusive au monde. Un sacré atout pour peu que que les gouvernements présent et à venir en aient conscience.

Entre la nécessaire préservation des ressources halieutiques et la protection des fonds marins, le développement de l’éolien offshore et l’hydrolien, la pêche et ses activités adjacentes, le commerce maritime, la plaisance et tout simplement le tourisme, il y a sans arrêt une obligation d’équilibre à trouver, afin d’éviter qu’une activité ne vienne trop fragiliser une autre. Un ministère de la Mer joue ni plus ni moins que le rôle essentiel de chef d’orchestre entre toutes ces obligations.

Le paradoxe est d’autant plus fort dans la mesure où la mer est considérée comme présentant un exceptionnel potentiel de développement et de croissance, précisément des activités qui s’y développent, en particulier dans l’Energie, mais également dans les évolutions que devraient connaître les transports maritimes dans les prochaines années. En Bretagne, la volonté de redynamiser le port de commerce de Brest, afin d’en faire une véritable porte d’entrée européenne se fait dans ce contexte.

Et pourtant, l’exécutif a décidé pour sa part de se passer d’un pôle de réflexion et de décision sur un élément aussi essentiel pour la production nationale à venir, son potentiel d’emploi et le rôle qu’il pourrait jouer dans une éventuelle indépendance énergétique. Les professionnels de la mer ne s’y trompent d’ailleurs pas, le symbole est fort et montre à quel point, vue de Paris, la mer n’est qu’un élément à exploiter comme un autre, qui ne demande pas d’approche particulière.

Il montre également le peu de cas que les gouvernements successifs, au cours des dernières décennies, font de la mer et de ses activités. En ce sens, on pourrait associer cette absence de ministère dédié à la politique française concernant la défense de la pêche au niveau européen.

Alors que l’Espagne mettait les moyens pour défendre ses quotas, la France a, de son côté, fait preuve d’un manque flagrant de pugnacité qui s’est concrétisé par la quasi disparition, petit à petit, de la flotte de pêche en France, et tout particulièrement en Bretagne, quand les Espagnols réussissaient à protéger tant bien que mal la leur. En une vingtaine d’années à peine le constat est flagrant pour quiconque flâne régulièrement sur les quais de nos ports de pêche. Il fallait faire un choix, la France a décidé de privilégier l’agriculture plutôt que la pêche, contre vents et marées.

En définitive, considérer que la mer n’a pas besoin d’un ministère spécifique, c’est la ramener à une gigantesque autoroute maritime, potentiellement futur eldorado énergétique mais dans tous les cas d’ores et déjà argument touristique numéro un, ou presque. Avec le risque, en refusant de voir l’environnement marin dans sa globalité, de tuer la poule aux oeufs d’or.

Entretien de présentation de Ar C'hannad sur Breizhbook

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Commentaire de GARGADENNEC le 15 avril 2014 à 20:53

Combien de temps leurs faudra t' il pour prendre conscience de cela ? espérons qu'ils n'attendrons pas que la poule soit morte et les oeufs d'or déjà partagées . La France a toujours eu  beaucoup de retard de ce coté là . Brum war ar mor . A zo fall evit al labour.

R.G. A galon vat

Commentaire de Fanch 60 le 14 avril 2014 à 13:53

trois fois oui, d'autant que la recherche au niveau des planctons marins ouvre des perspectives tout à fait prometteuses et nous devrions avoir une politique d'accompagnement de façon à passer du fondamental (ou de l'expérimental) à l'industriel et développer des fermes de planctons: qui pour l'alimentation humaine ou animale, la médecine, et ....même la production de carburants.

Comme d'habitude, nous ouvrons des voies nouvelles ( à fond perdu bien sûr)sur le plan expérimental pour laisser à d'autre le soin de développer les technologies qui elle seront très rentables.

Commentaire de Breizatao le 14 avril 2014 à 9:46

Bravo C' Hannad ton message est pile dans le mille, la France est un pays de terriens depuis des lustres, accepter que nos dirigeants soient des marins fait parti du rêve car la mer ne fait aucune différence entre un bateau de gauche ou de droite, impossible de mentir ou tricher il faut faire face au danger et réagir immédiatement point final ! Par nos dirigeants politiques la mer et le littoral sont considérés comme secondaire et simple territoire touristique pour eux les Parisiens... Il ne faut pas oublier ce qui s' est passé il y a une quinzaine d' années quand la France a décidé pour soit disant protéger le développement des poissons de détruire les bateaux de pêche artisanaux surtout en Bretagne, résultat j' ai vu les pêcheurs découper à la tronçonneuse leur propre bateau en pleurant et cela devant un fonctionnaire des Affaires Maritimes qui était là pour vérifier la légalité de la manoeuvre pour que le pêcheur soit dédomagé...très modestement ! En plus sa license lui était retirée pour être transmise aux Espagnols car l' Europe avait décidé que l' Espagne aurait une forte économie de la pêche, la Bretagne ayant en échange une forte économie de l' élevage porcin... Depuis 2 ans nous apprenons que l' Espagne est le pays qui sert d' exemple pour le développement de la pêche artisanale reconnue pour la préservation du poisson !!! alors que la Bretagne a perdu la majorité de ses pêcheurs professionnels, c' est vraiment se moquer du monde. C' est la raison pour laquelle nous devons nous les Bretons décider de notre avenir à la place de tous ces intellos Parisiens, ceux qui critiquent les Bonnets Rouge préfèrent fermer les yeux sur les horreurs que la Fance a imposé à la Bretagne, et ça continuera si personne ne réagi, droite comme gauche, une seule solution : Les Bretons doivent être maîtres chez eux.

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