Et si les Côtes d’Armor avaient tout à gagner d’une Assemblée de Bretagne?



Il n’est pas peu dire que le discours de politique générale prononcée par le Premier ministre Manuel Valls a particulièrement secoué dans sa propre majorité. Une situation qui a amené pas moins d’une quarantaine de députés socialistes à s’abstenir lors du vote sur le pacte de stabilité, qui doit permettre de dégager les 50 milliards d’euros d’économies annoncées par M. Valls un mois plus tôt. Un vote qui, sans remettre en cause l’adoption du texte, a mis le Premier ministre dans la situation d’une majorité non plus absolue mais relative.

Si l’attention s’est grandement concentrée sur cette opposition, calendrier législatif oblige, ce n’est pourtant pas la première à s’être exprimée à l’issue du discours de politique générale, début avril. Car les premiers à avoir pris position sont les défenseurs des départements, au premier rang desquels le président du Conseil général des Côtes d’Armor, par ailleurs président de l’association des départements de France (ADF), Claudy Lebreton.

Car pour le président de l’ADF, la manière dont a été faite l’annonce n’était pas particulièrement subtile. Y voyant une forme de brutalité de la part du Premier ministre, M. Lebreton est sans doute l’homme politique à s’être montré le plus résolument hostile à cette idée, qui venait renforcer celle d’une Assemblée de Bretagne unique, relancée par le député finistérien Jean-Jacques Urvoas, réputé proche de Manuel Valls, quelques semaines plus tôt.

Mais au-delà de la forme c’est également le fond qui a déplu au président du Conseil général. Car l’idée que les économies doivent se faire sur le dos des départements passe assez mal à ses yeux. Dès le jour de l’annonce de Manuel Valls, Claudy Lebreton a répété ce qu’il avait déclaré, entre autres à Ar C’hannad, quelques semaines plus tôt: les départements ne sont pas une variable d’ajustement ni un élément pour faire des économies et il compte bien le prouver.

En cela il n’a d’ailleurs pas totalement tort. Si peu de données sont disponibles en la matière, les quelques précédents de tentative de fusion d’assemblées, en particulier la dernière, en Alsace il y a un an, n’ont pas prouvé que les économies seraient réellement présentes. Si l’argument a bien entendu été avancé par les promoteurs de cette fusion à l’époque, le détail démontrait que ces économies seraient marginales, bien loin dans tous les cas de ce qu’attend le Premier ministre d’une réorganisation de l’Etat. D’autant qu’avant de générer des économies, une réorganisation coûte nécessairement de l’argent, parfois beaucoup d’argent.

En définitive, les économies se font au niveau des appareils centraux et des offices du tourisme, principalement, autant dire très peu comparé aux dépenses effectuées chaque année par les différentes collectivités locales. Des économies qui pourraient parfaitement se faire dès lors que les compétences sont clarifiées entre chaque niveau de collectivités avance M. Lebreton.

Cependant, au-delà de la défense d’intérêts particuliers, Claudy Lebreton ne défend pas nécessairement celui de son territoire en refusant la disparition des départements. On pourrait bien entendu considérer que les Côtes d’Armor, qui ont du mal à exister face aux autres départements bretons, lesquels disposent en général de plus de notoriété au niveau national et européen, risqueraient de se faire manger par les autres, une fois l’Assemblée unique en place. Une possibilité qui ne peut qu’apporter de l’eau au moulin de Claudy Lebreton.

Pourtant, les Côtes d’Armor pourraient bien en être les grands gagnants. Car face aux deux, peut-être trois métropoles que comptera la région, le seul contre-poids de taille se situera au niveau régional. Plus encore, dans l’éventualité où l’Ille-et-Vilaine finissait par fusionner avec la métropole rennaise, comme la chose est en train de se faire à Lyon par exemple.

Car de tous les territoires bretons, les Côtes d’Armor sont sans doute les moins bien entrés dans la grande compétition actuelle et les moins bien connus, à tort. Il s’agit par ailleurs du territoire qui dispose du moins de moyens, avec une population en moyenne plus pauvre qu’ailleurs. Ce n’est pas sans raison si Saint-Brieuc est la grande ville la plus pauvre de Bretagne, avec à peine la moitié de ses foyers qui payent l’impôt sur le revenu.

Les Côtes d’Armor sont un territoire agricole et industriel qui n’a pas encore réussi à prendre le virage post-industriel. S’il souffre moins que son voisin finistérien de la crise de l’agro-alimentaire, il a perdu énormément au niveau industriel. Les exemples les plus symboliques sont, une fois encore, à Saint-Brieuc qui, après avoir perdu Chaffoteaux, encore principal employeur du département au début des années 90, est sur le point de voir le Joint Français disparaître, chose qui devrait se produire dans les prochains mois ou prochaines années.

Aujourd’hui, qu’est ce qui permet aux Côtes d’Armor d’exister au niveau national? Malheureusement pas énormément de choses, quelques symboles pourrait-on dire. Certains consensuels, d’autres qui le sont moins. Parmi eux, on pourrait bien entendu citer l’En Avant de Guingamp qui, sa victoire samedi l’a encore démontré, est certainement l’un des meilleurs ambassadeurs costarmoricains. On pourrait y ajouter le festival Art Rock, référence au niveau français et parmi l’un des plus gros festivals en terme d’affluence. Et sans doute également le député UMP Marc Le Fur, qui sait se mettre en avant, autant dans le combat pour la réunification de la Bretagne que dans sa lutte contre le mariage gay.

Certes, certaines zones sont connues des touristes, telles que la Côte de Granit Rose ou le Cap Fréhel et ses alentours, mais le reste est grandement sous-estimé. A tel point qu’il a fallu attendre 2013 pour voir l’office du tourisme de Bretagne, et des Côtes d’Armor, annoncer la «création» d’une nouvelle destination touristique, la Baie de Saint-Brieuc. Destination autour de laquelle la communication est encore extrêmement modeste pour l’instant.

Dans le projet de loi à venir sur la décentralisation, les régions auront la possibilité de faire beaucoup. En particulier elles auront pour mission d’organiser le territoire, et donc d’en assurer l’équilibre. Face aux futures superpuissances bretonnes que seront les métropoles rennaise, brestoise et, souhaitons-le, nantaise, la région sera la seule à même de contrebalancer réellement leur influence et jouer sur la péréquation des moyens pour assurer le développement de l’ensemble de la Bretagne, et en particulier de ses territoires plus déshérités, au premier rang desquels les Côtes d’Armor.

Le département est dans l’obligation de se réinventer, avec la chute des derniers pans de son industrie. Il n’en a malheureusement pas les moyens, il n’a pas la possibilité de le faire seul. Seule une région avec de vrais pouvoirs et disposant de vrais moyens pourra jouer un rôle afin de permettre à ce territoire de renaître. L’enjeu d’une Assemblée de Bretagne se situe à ce niveau pour les Côtes d’Armor. Et Claudy Lebreton, comme les autres costarmoricains qui ont pu se prononcer contre cette idée, dont l’attachement à ce territoire ne fait aucun doute, ne peut oublier cette dimension essentielle.

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