Pourquoi le rejet des minorités n’a pas sa place en Bretagne

Il y a un peu plus d’un an, lors d’un reportage à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, un homme, responsable d’une association communautaire, m’expliquait la manière dont les gens partageant son origine avaient été accueillis dans ce département, à une époque où il était encore extrêmement industriel et recevait une grosse population immigrée. Un département déjà connu pour sa diversité, même si celle-ci était alors naissante.

D’après le témoignage de personnes âgées qu’il avait eu l’occasion de récolter, directement ou indirectement, l’adaptation avait été difficile. Cette population, contrainte pour des raisons avant tout économiques de venir s’installer dans ce département ouvrier, a rapidement pris de l’importance, au point de représenter à un moment près du tiers de la population à Saint-Denis. Déracinés, venus pour travailler en laissant bien souvent leur famille derrière eux, ils ont rapidement eu tendance à se regrouper, prenant littéralement le contrôle de quartiers entiers dans la ville.

Une situation qui n’a pas été du tout du goût des habitants déjà présents, qui ont rapidement reproché à ces nouveaux venus, dont beaucoup ne parlaient même pas français en arrivant ou très peu, de ne pas chercher à s’intégrer, de leur prendre leur boulot, de ne rester qu’entre eux. Pire, ils ne communiquaient même pas avec les autres, préférant parler dans leur langue, portaient bien souvent des accoutrements bizarres, de chez eux, et ne dépensaient rien sur place, renvoyant tout, en dehors du strict nécessaire, à leur famille.

Ces propos et ces situations ne m’ont pas été rapportés par le président d’une association malienne, algérienne ou chinoise mais par le président de l’Amical des Bretons de Saint-Denis, en faisant référence à ce que nombre de ceux qui sont partis à Paris, entre la fin du XIXe siècle et l’immédiat après-guerre, dans les années 50, ont vécu en arrivant à la capitale et dans ses alentours.

Car ce que l’on oublie, c’est que les situations vécues par les migrants, quels qu’ils soient, ont toujours été les mêmes. Que ces migrations soient de l’intérieur ou non. Alors que les Bretons de Saint-Denis n’étaient pas toujours bien vus, ceux de Paris vivaient des conditions de travail difficiles. Car si l’on aime se rappeler que l’ingénieur en charge de la réalisation du métro parisien était le Costarmoricain Fulgence Bienvenüe, on a tendance à oublier qu’ils étaient également nombreux à creuser les galeries, et que beaucoup ils laisseront la vie.

Un travail que beaucoup d’autres ne voulaient pas faire. Mais que les jeunes Costarmoricains, qui ne pouvaient pas tous reprendre les exploitations familiales, venaient réaliser sans se plaindre et pour des salaires de misère.

Il serait faux de prétendre que les Bretons étaient les seuls à vivre une telle précarité. Cela concernait également les habitants d’autres régions alors pauvres, et certains finissaient pas glisser vers la grande délinquance, parfois politique. L’une des plus célèbres illustrations concerne sans nulle doute la bande à Bonnot, composée très majoritairement de jeunes hommes issus de milieux souvent pauvres de l’est de la France.

Pourquoi en parler aujourd’hui? Simplement pour rappeler que, à un moment ou un autre de l’Histoire récente de ce pays, l’ostracisation a touché des couches entières de la population pour une simple question d’origine. Et prétendre que la République d’alors intégrait mieux parce qu’il y avait moins de différences culturelles est totalement faux. Les Bretons d’alors pourraient en témoigner, et ils ne sont pas les seuls.

Les Polonais et Italiens sont ainsi régulièrement cités, par ceux qui veulent faire porter la responsabilité de leur «incapacité à s’assimiler» aux migrants récents, comme exemples de migrations réussies. Ce qui est aller un peu vite en besogne, tant l’arrivée massive de ces Européens, bien souvent catholiques, a été chaotique en France. En témoigne les ratonnades dont ont été victimes les «Ritals», comme à Aigues Morts en 1893, qui fera au moins 17 morts.

Pourquoi rappeler cela? Parce qu’aujourd’hui, dans le contexte extrêmement particulier qu’est celui de cet immédiat après-7 janvier, une partie de la population française est une fois de plus montrée du doigt, pour ses origines ou ses croyances. Parce que déjà, les discours politiques veulent amener la question de l’immigration sur le devant de la scène. «L’immigration n’est pas en cause mais elle complique les choses» a ainsi déclaré le président de l’UMP, et ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy. Plus à droite, ce sont des appels à suspendre Schengen qui ont été entendus.

Et malheureusement, cela ne s’est pas limité qu’à ce type de discours. Il y a également eu des passages à l’acte ces derniers jours. Peu importe les appels à éviter les amalgames, les faits sont têtus: de mercredi à dimanche, pas moins de 35 actes islamophobes et racistes ont visé des personnes ou des lieux de cultes, dans toute la France. Parce que Musulmans. Parce que «Maghrébins». Et la Bretagne n’a pas été épargnée, comme en témoignent les tags racistes à Nantes ou Rennes, sur des mosquées.

Sans doute, mais c’est aux enquêtes de le déterminer, ces actes sont-ils le fait des mouvements identitaires, que l’on a parfois tendance à mésestimer en Bretagne, tant nous importe le fait de rappeler que nous sommes ouverts sur les autres et sur le monde. Mais ils doivent nous rappeler que nous ne sommes pas à l’abri du rejet et de la vindicte visant des innocents.

Pourtant, moins encore qu’ailleurs nous n’avons, en Bretagne, le droit de nous laisser aller à ces raccourcis bien trop simplistes pour être vrais. Pour la simple et bonne raison que cette situation de rejet, nombre de nos ancêtres pas si lointains, parfois nos grands-parents ou arrières grands-parents, les ont vécu. Précisément à cause de leurs origines, de ce qui les différenciaient alors. Pour cela, les Bretons ont une obligation d’exemplarité. Quand on a connu le rejet on sait trop à quel point cela peut être destructeur.

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