LES TRAITES D’ALLIANCE ENTRE LA BRETAGNE ET LA FRANCE.

 

 

                   La Bretagne fut un royaume indépendant de l’empire carolingien de 825 à 907. Le premier roi breton fut Nominoë (825-851), puis régna son fils Erispoë (851-857). C’est durant son règne que Charles le Chauve demanda la paix qui fut signée dans des conditions extrêmement avantageuses pour les Bretons. Il reconnut officiellement Erispoë Roi de Bretagne et lui cédait les comtés de Nantes et de Rennes. Ce premier traité avec les Francs consacrait l’œuvre du Libérateur de la Patrie qu’était le roi Erispoë pour tous les Bretons. Il est important de le connaître pour bien comprendre le contexte et les antécédents du traité de 1532. Le roi Salomon, successeur d’Erispoë, fera la guerre aux Normands aux côtés de Charles le Chauve, dans la plus grande loyauté. Il terminera sa vie comme un saint dans un monastère. Suivent ensuite les invasions normandes qui mettent en pièces la monarchie bretonne.

            De 938 à 1532 la Bretagne va devenir un duché avec Alain Barbe-Torte en 938. Une crise grave dans la succession va éclater en 1341 entre le Bienheureux Charles de Blois, héritier légitime par sa femme Jeanne de Penthièvre, et Jean de Montfort. Après la mort de Charles de Blois à Auray en 1364, le traité de Guérande est signé entre la Bretagne et la France pour reconnaître Jean de Montfort comme véritable duc de Bretagne sous le nom de Jean IV. Le duc commença son règne par un exil forcé en Angleterre. Charles V en profita pour prononcer la déchéance de Jean IV et la confiscation du duché à son profit (1378). Dès que ces projets français furent connus, tous les Bretons, y compris les anciens partisans de Charles de Blois, s’unirent pour rappeler Jean IV.

             Son retour à Dinard le 3 août 1379 souleva l’enthousiasme national. Ce fut l’un des plus beaux jour de notre histoire; depuis les temps de Nominoë, aucun prince breton n’avait connu pareil triomphe dans l’union sacrée contre le roi de France, injuste agresseur. Un chant célèbre commémore ce débarquement : An alarc’h. « Ohé guetteur monte à la tour, notre duc Jean est de retour, et que l’hermine claque au jour. » Une fois sur le trône ducal, il fonda un ordre de chevalerie : L’Ordre de l’Hermine. Ce qui fut propre aux bretons dans cet Ordre était d’y admettre les dames, honneur qui ne leur était fait dans aucun autre Ordre.

            Le règne du duc Jean V fut pacifique et prospère, et les ducs ne cessèrent d’accroître ensuite leur pouvoir sur les seigneurs bretons. Dans les actes officiels, le chef de la Bretagne se disait « duc par la grâce de Dieu, rappelait ses droits royaux et souverains, proclamait que de ses droits et titres de principauté, il ne reconnaissait créateur, instituteur ni souverain fors Dieu Tout-Puissant. » Le duc battait monnaie, traitait par ses ambassadeurs avec les souverains. La Bretagne n’envoyait pas de représentants aux Etats généraux de France, elle ne reconnaissait ni les lois ni les ordonnances générales rendues par le roi. Elle ne fournissait au roi ni subside ni contingent militaire. L’hommage rendu au roi de France n’était qu’un hommage d’honneur et d’amitié. Le duc n’avait pas d’investiture à recevoir parce que la Bretagne n’était pas une province détachée du domaine de la couronne, ni même une partie intégrante du royaume, mais une principauté juxtaposée. Le duc la tenait de Dieu et non du roi. Rien n’obligeait le duc à considérer les ennemis du roi de France comme ses ennemis, et chaque fois qu’il assistait le roi de France dans ses entreprises, il exigeait de lui une déclaration établissant qu’il agissait par dévouement et qu’il n’entendait ni engager ses successeurs, ni porter atteinte aux droits du duché.

            La cérémonie du couronnement dans la cathédrale de Rennes soulignait l’indépendance ducale et celle de la Bretagne. Les prières liturgiques assimilaient le duc au roi. On y parlait de droits royaux et de vêtements royaux. Sur la tête du duc, on posait la couronne fermée, symbole de la souveraineté.

            En 1491, Charles VIII envahit la Bretagne qu’il pille et saccage. Ensuite il demande la main de la duchesse Anne ! Drôle de façon de faire la cour ...Anne s’y résigne cependant pour sauver son duché et le sortir d’une si périlleuse situation avantageusement. Dans le contrat de mariage, Charles VIII reconnaissait aux Bretons le droit de ne payer que les impôts consentis  par l’assemblée des Etats de Bretagne; le droit d’appliquer les octrois uniquement à la défense du pays; le droit pour les Bretons de n’être jamais jugés hors du pays. Le roi mourut en 1498, laissant Anne veuve à vingt et un an. Selon son contrat de mariage de 1491, Anne devait épouser le nouveau roi, Louis XII. Ce qui fut fait à Nantes le 8 juillet 1499.

            Dans le nouveau contrat de mariage, Anne posa des conditions qui assurait à la Bretagne l’indépendance après sa mort. Le duché devait passer au second fils; s’il n’y avait qu’un fils, il régnerait à la fois sur la France et sur la Bretagne, mais il laisserait la Bretagne à son second fils. S’il n’y avait pas de descendant mâle, le duché revenait aux héritiers naturels de la reine, les Rohan. En même temps, un second traité garantissait les droits et les privilèges de la Bretagne. Anne eut deux filles : l’aînée, Claude épousa François d’Angoulême, futur François Ier. Une fois monté sur le trône de France, celui-ci n’eut de cesse que de détruire le contrat de 1499. Le 22 avril 1515, François Ier faisait signer à la reine Claude un acte par lequel elle lui cédait le duché à titre d’usufruit. Deux mois plus tard, cette donation était faite à titre perpétuel. Au cas où elle viendrait à décéder la première sans laisser d’enfants, le roi pourrait considérer la Bretagne « comme sa propre chose et héritage ». Ainsi Rohan était dépossédé de ses droits. Lorsque Claude eut des enfants, le roi lui dicta les dispositions testamentaires qui attribuaient le duché au dauphin et non au second de ses fils.

            La reine Claude mourut en 1524, à l’âge de vingt-quatre ans. De ce fait, le dauphin se trouva l’héritier du duché. Toutefois l’union de la Bretagne à la France n’était encore qu’une union personnelle qui pouvait être limitée à la durée du règne. Il fallait trouver la formulation d’un traité qui unisse définitivement le duché à la couronne de France. A cette fin, les Etats de Bretagne furent convoqués à Vannes en août 1532. Les députés bretons se résignèrent la mort dans l’âme à conclure ce traité. Mais résister au roi de France, c’était déclarer la guerre, et la Bretagne n’avait plus d’armée. Il valait mieux solliciter l’union en stipulant de bonnes conditions, que de la subir par la force et sans conditions.

            François Ier s’engageait publiquement à maintenir et à respecter les droits et libertés de la Bretagne. Les libertés garanties énumérées dans l’édit du Plessis-Macé [1]peuvent se résumer ainsi :

1° aucune somme de deniers ne pourra être imposée aux Bretons si préalablement elle n’a été demandée aux Etats de Bretagne;

2° maintien de la forme actuelle de la justice et de la souveraineté du Parlement de Bretagne. Les justiciables ne pourront être contraints de plaider hors de Bretagne;

3° les bénéfices ecclésiastiques de Bretagne seront réservés à des Bretons;

4° les Bretons ne pourront être appelés à faire du service militaire hors de Bretagne;

5° aucun changement dans la législation, les institutions, les coutumes, ne pourra être apporté sans le consentement des Etats de Bretagne.

 

            Le Traité n’avait donc pas assimilé la Bretagne dans l’Etat français, mais avait seulement « prié le Roi de France de prendre la Bretagne en sa garde… ». Ce Traité est un véritable traité international entre les représentants légitimes du peuple breton et le gouvernement français.

Au regard du droit international, la France n’a pas d’autres titres à occuper la Bretagne que ce Traité de 1532 passé avec le roi de France et ses successeurs. Ce Traité n’a jamais été modifié par un nouvel accord entre les mêmes parties et la République Française s’est ôtée tout droit de l’invoquer en le rompant de deux façons :

            - en en violant toutes les conditions;

            - en supprimant, par la déposition de Louis XVI, le seul lien juridique existant : la communauté de souverain et la propriété de la couronne de France;

            - en ne refaisant pas un nouveau Traité.

La Cour Internationale de La Haye a jugé en 1953 qu’il n’y a pas de prescription pour les traités.  

 

Xavier GROSSIN.

 


[1]  Le texte du traité d’union  est reproduit par l’historien Bertrand d’Argentré dans Coutumes générales des pays et Duché de Bretagne Paris, édit. N. BUON, 1608. Nous pouvons fournir ce texte en vieux français.

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