Bretagne contre Pays-de-la-Loire : match nul

Jusqu’au dernier moment, les rumeurs sont allées bon train sur le devenir des différentes région de l’ouest de la France. Si dans les dernières heures le maintien de la Bretagne dans ses actuelles limites était à peu près acquis, les Pays-de-la-Loire semblaient vouer au mariage de raison avec le Poitou-Charentes, faute de mieux. Mais tout cela, c’était jusqu’au coup de théâtre en provenance de l’Elysée.

On s’attendait à tout sauf à ça. Selon les dernières rumeurs en provenance des Pays-de-la-Loire, la région devait fusionner avec le Poitou-Charentes. La dernière des hypothèses envisagées, la plus improbable à première vue, celle qui ressemblait à la toute dernière des chances de Jacques Auxiette d’avoir la main, faute de pouvoir sauver sa région, semblait donc être celle qui a été privilégiée par le président de la République, François Hollande, et le Premier ministre, Manuel Valls.

Une fusion qui n’aurait rien eu de bien surprenant, dans la mesure où elle était également défendue par la nouvelle ministre de l’Environnement, et ancienne présidente du Poitou-Charentes, Ségolène Royal, dont on aurait tort de croire que les déboires électoraux de ces dernières années lui auraient fait perdre le moindre poids politique au sein de l’appareil socialiste. Et plus encore auprès de son ancien compagnon. Elle n’avait pas le soutien d’une bonne part de la classe politique ligérienne et poitevine, loin s’en faut, mais elle était pourtant sur le point de devenir une réalité, à quelques heures près.

Certes, cela aurait semblé être l’alliance la plus contre-nature qu’il soit parmi les différentes pistes évoquées depuis les élections européennes. Mais il s’agissait en fait de la seule réalisable, à première vue. Dès lors que la Bretagne freinait des quatre fers pour un mariage forcé, annoncé jusque dimanche 1er juin et donc évité de justesse, dès lors que la région Centre voulait des Pays-de-la-Loire mais sans la Loire-Atlantique, il ne restait à Jacques Auxiette que la solution du Poitou-Charentes à promouvoir.

Mais il n’en sera finalement rien. M. Auxiette aura eu gain de cause et sa région ne fusionnera avec personne. Mieux encore, il n’aura la possibilité de fusionner avec aucune de ses voisines… à l’exception de la Bretagne! Car pendant ce temps, les régions Centre et Poitou-Charentes sont appelées, de leur côté, à former un super région avec le Limousin. Maintenant, de l’autre côté, l’Aquitaine dans ses frontières également.

On peut d’ailleurs se demander qui, en dehors des élus des Pays-de-la-Loire, pourra se réjouir d’un tel découpage. Et encore. Déjà dans la région, de nombreuses voix s’élèvent pour regretter que la fusion avec la Bretagne ne se fasse pas. Ça tombe bien, la possibilité reste offerte. M. Auxiette, et plus encore l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, imaginent-ils réussir à convaincre les Bretons de l’accepter. Après tout, n’ont-ils pas réussit à réunir à leur cause des personnalités telles que Bernard Poignant, Nathalie Appéré ou encore François Cuillandre?

 

 

François Hollande choisit de ne pas choisir

Dans les faits, la Bretagne semble être passée tout près de la disparition. Toute la journée de lundi, Jacques Auxiette aurait fait le siège de l’Elysée, en vue d’obtenir la fusion de sa région avec la péninsule, comme il en rêve depuis le départ, selon des sources proches du gouvernement. Un siège qui n’aura finalement pas atteint son objectif, sans doute grâce à la rencontre entre le président de la République et Jean-Yves Le Drian, moins de deux heures avant la réunion finale d’élaboration de la carte des nouvelles régions.

Cela aurait été à coup sûr le pire des choix. Tout simplement parce qu’une telle solution aurait signifié la disparition d’une des plus anciennes nations d’Europe, plus ancienne même que la France elle-même, ce que nombre de Français (et même de Bretons) ignorent. Une solution qui aurait été le point final de l’assimilation à la française entamée en 1532 et méthodiquement menée depuis lors. Mais une solution qui n’aura finalement pas lieu. Et en cela, il s’agit d’une défaite majeure pour messieurs Auxiette, Le Foll et Ayrault.

Une défaite cependant partielle, car en ne fusionnant pas avec une autre région, les Pays-de-la-Loire gardent la possibilité de le faire plus tard avec la Bretagne. Il semble malgré tout acquis que la région n’aurait pu le faire avec personne. Jacques Auxiette s’opposait à la fusion avec la région Centre, qui voulait des Pays-de-la-Loire mais pas de la Loire-Atlantique, alors que de son côté Jean-Marc Ayrault aurait eu des échanges très vifs avec Ségolène Royal, fermant de fait la porte à une fusion avec le Poitou-Charentes.

Au final, François Hollande a donc choisi de ne pas choisir. Pressé par Jean-Yves Le Drian de ne rien faire contre la Bretagne, coincé par les positions de Jacques Auxiette et Jean-Marc Ayrault, «l’homme de la synthèse», celui qui ne veut mécontenter personne, laisse donc les choses en l’état, donnant à chacun la possibilité de choisir à l’avenir ce qu’il souhaitera. Comment ne pas se mettre à dos les nombreux élus bretons qui ont pris position contre cette solution et, dans le même temps, les élus ligériens opposés à la réunification de la Bretagne? En ne donnant à personne ce qu’il souhaite réellement. Tout en montrant à chacun ce qu’il aurait pu perdre.

Pourtant, force est de constater que, depuis 24 heures, la fusion entre la Bretagne et les Pays-de-la-Loire semblait être sur les rails. C’est tout du moins ce qu’annonçait le Journal du Dimanche, provoquant une avalanche de réactions indignées dans la péninsule. Il y a d’ailleurs fort à parier qu’en laissant filtrer cette idée, le gouvernement escomptait sur le soulagement que représenterait, en Bretagne, le fait que la région reste finalement seule. Une manière de faire accepter qu’elle reste à 4 départements. Car la disparition n’est-elle pas pire que l’absence de réunification?

Pourtant, le calcul pourrait s’avérer être une nouvelle erreur, tant l’attente en faveur de la réunification est forte en Bretagne. En lançant la réforme territoriale, François Hollande a suscité l’immense espoir que l’erreur historique de 1941, confirmée depuis, soit enfin réparée, en faveur d’une région qui lui a fait largement confiance en 2012. Plus que le soulagement d’une Bretagne qui survit à la fusion, la frustration de voir la Loire-Atlantique hors de la Bretagne risque de dominer largement. Les premières réactions sur les réseaux sociaux et dans les médias le montrent d’ailleurs largement.

 

 

Les jeux restent ouverts en vue de la réunification

Déjà fortement ébranlée dans la péninsule, la confiance en faveur du président de la République va encore en prendre un coup. Et par la même occasion celle en faveur de Manuel Valls, qui aurait soutenu l’idée d’une fusion entre Bretagne et Pays-de-la-Loire. Parmi les arguments invoqués par les deux têtes de l’exécutif, la crainte de voir la Bretagne se replier sur elle-même si elle restait seule, et réunifiée. Rien que la finale de la Coupe de France, avec 80.000 Bretons chantant avec ferveur la Marseillaise aurait pourtant pu et dû les rassurer. Les Bretons ne rejettent pas la France, tout du moins pas encore.

Car à force de privilégier les solutions technocratiques en dépit du bon sens, cela pourrait finir par arriver. Mais les choses n’en sont cependant pas encore là. Dans l’immédiat, c’est le Parti Socialiste qui risque de payer le prix fort, tout du moins dans un premier temps. Car, contrairement aux apparences, rien n’est joué loin de là, même si la situation devient plus complexe. Reste que la nouvelle carte va à présent être soumise au débat parlementaire, il n’est donc pas encore certain qu’elle reste en l’état. A moins que le gouvernement ne tienne sa majorité, ce qui semble de moins en moins certain.

Une fusion avec une autre région ou, mieux, un démantèlement des Pays-de-la-Loire aurait amené inexorablement la Loire-Atlantique à se pencher vers sa région d’origine. D’autant que le gouvernement semble privilégier de mener une réforme territoriale en deux temps, une tendance qui est évoquée depuis plusieurs jours déjà et qui semble se confirmer un peu plus. La première passe par une fusion stricte entre les régions, qui devait permettre d’en ramener le nombre de 22 à 12, comme le souhaite le président de la République. C’est donc finalement 14. La première loi, qui sera présentée rapidement, doit finaliser ce choix, à moins d’une intense mobilisation dans les territoires.

Elle sera normalement suivie d’une seconde loi, après l’été, qui devrait permettre à un département de changer de périmètre régional. Très clairement, la loi permettra à la Loire-Atlantique de quitter s’ils le souhaitent, les Pays-de-la-Loire pour rejoindre la Bretagne. Si tel est le souhait du département. En cas de fusion entre les Pays-de-la-Loire et une autre région que la Bretagne, c’est clairement ce qu’aurait privilégié Philippe Grosvalet, le président du Conseil général de Loire-Atlantique.

Mais qu’en est-il à présent, alors que les périmètres des deux régions ne changent pas? Ce qui est certain, c’est que le département aura toujours la possibilité de choisir son destin, comme la loi devrait l’y autoriser et comme François Hollande semble l’avoir assuré à Jean-Yves Le Drian. Un choix qui convient à M. Grosvalet, de sources proches du dossier. Reste donc que, dans le grand quart nord-ouest, la seule fusion encore possible, si les choses en restent là, est entre la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. Nul doute que dans les prochaines semaines les pressions seront fortes pour aller dans ce sens.

Dans l’ensemble de la Bretagne, la pression risque de monter fortement dans les prochains jours, les très nombreuses prises de positions depuis l’annonce ne faisant que le confirmer. C’est peut-être cette mobilisation de l’ensemble de la société bretonne qui pourrait amener à ce que la seconde phase se fasse. D’autant que cette fois elle pourrait trouver un très large écho jusqu’en Loire-Atlantique. La bataille pour la réunification est loin d’être terminée. La Bretagne patiente depuis 1941, elle n’est plus à quelques mois près.

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Commentaire de LE HYARIC le 12 juin 2014 à 21:29

C'est malheureux,

Aucun sens de la culture, de l'histoire des pays, pour réunir les départements bretons !

Quelle tristesse nous communique cette équipe dirigeante qui loupe une chance historique d'être avec l'histoire !

Il faut rattacher Nantes et la Loire Atlantique à la Bretagne !

Commentaire de Marie-Claude QUEFFEULOU- le 12 juin 2014 à 21:15

mon premier commentaire ne semble pas être passé, mais je résume ma pensée : Ré zo Ré.

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