Le lieu, dans son milieu. Tourelle rouge, entourée de vagues qui l’immergent, la noient et la laissent impuissante, transpercée par les éléments.

Le vent de mer, et sa force camisole, l’affolent, mais elle tient. Comment ?

Ce monument de pierre flotte, il guide ceux qui viennent de l’île, Ouessant. Voyez ces marins aux séants trempés, cherchant l’abri du port. Tempête et violence, l’Iroise répand ses veines, brûle et bouillonne. Des roches acérées, aux arêtes affûtées, affleurent. Ce bout de terre en mer désire dévorer le bateau, tristement secoué par les flots. La colère gronde, la laine blanche des moutons est de sortie, les vestes de quart aussi...

Ce bleu vert en mouvement laisse les poissons au fond, et ce navire qui galère, que fait-il ?

Regardez, l’humain hurle, lui qui se sait si petit face aux éléments !

Encore des goélands, qui s’isolent dans le ciel. L’idée lumineuse du reflet du soleil apparaît, entre les pierres de l’aber. L’astre exauce leurs prières, petit guide innocent pour ceux perdus en mer. La fureur des bords de mer efface presque les désirs d’îles, de Molène, de Sein, et de celle qui perd lueur et sang. Plein ouest, le Stiff sort de l’ombre. Immense phare qui indique les caps, éloigne des dangereux murmures du Fromveur, magnifique courant au trouble sourire carnivore.

Combien de naufrages ?

De pleine page, la mer ôte ses chaînes quand le vent siffle, et le marin balancé retient son souffle. Hors du chenal du Four, il reste cette tourelle, ce rouge pierre en pleine eau, qui masque nos maux.

in Bleu Terre, Jean-François Joubert, 2010.